Garnier & Linker présente une sublime collection de mobilier en laque japonaise
Cet hiver, Guillaume Garnier et Florent Linker, du studio Garnier et Linker, présentent leur nouvelle collection "Kami" à travers une exposition thématique sur la laque japonaise urushi. À voir jusqu'au 31 janvier 2025.
Quelle est la genèse de cette nouvelle collection ?
Au départ nous avons été contactés par un atelier de Kyoto spécialisé dans la laque urushi, pour imaginer de nouvelles matières et de nouvelles finitions. C’est ainsi que nous avons découvert l’ampleur des possibilités de ce savoir-faire. Rapidement l’idée a émergé d’appliquer ces matières à des formes et à des objets, puis l’envie d’une collection complète s’est imposée.
Que signifie KAMI ?
Un Kami est une divinité vénérée dans le shintoïsme, la principale religion au Japon. Nous avons découvert l’existence des Kamis lors d’une cérémonie qui a lieu avant de lancer des travaux dans une maison : le prêtre shinto repère les Kamis présents dans la maison pour leur demander de protéger les nouveaux habitants. Un rituel très poétique.
Cette collection explore la technique de la laque japonaise urushi, comment avez-vous découvert ce savoir-faire ancestral ? Comment vous êtes-vous appliqué à le transporter dans votre univers ?
Nous avons découvert cette technique lors d’un voyage au Japon pendant lequel nous avons initié des collaborations avec des ateliers de Kyoto. La laque urushi a ceci de particulier qu’elle est d’origine végétale : la sève d’un arbre qui porte le même nom d’urushi est filtrée pour devenir la base de la laque. Utilisée dès l’Antiquité comme adhésif et vernis sur une grande variété de supports, la laque urushi a progressivement basculé vers une fonction plus décorative grâce l’ajout de pigments colorés. Son utilisation s’est propagée jusqu’à tenir une place très importante dans la vie quotidienne des Japonais, et faire partie de l’esthétique japonaise.
C’est autant cette histoire que la brillance et profondeur uniques de la laque urushi qui nous ont séduit au départ. Le processus de répétition des gestes — le polissage du support d’un côté et l’ajout de couches successives d’urushi de l’autre — et la possibilité de créer des finitions ont achevé de nous donner envie de nous plonger dans ce savoir-faire. Pour nous l’approprier, nous avons pris une sorte de contrepied par rapport à la méthode traditionnelle qui a pour but d’obtenir la surface la plus lisse et couvrante possible, d’atteindre à la main la perfection. Selon nous cette perfection étant de nos jours plutôt obtenue par des machines, il nous a semblé intéressant de faire réapparaître le travail de la main et de laisser deviner le support, en l’occurrence le bois.
Quel est l’esprit de cette collection ?
Notre but premier était, comme souvent dans nos créations, de mettre en valeur la matière. Nous avons remarqué que les formes rondes révélaient particulièrement bien les reflets et la profondeur de la laque. D’où les formes généreusement arrondies des pièces. En expérimentant avec ce matériau, sa grande puissance poétique nous a aussi frappé et il nous a paru important de créer des finitions qui soient en accord avec cet aspect de la laque urushi. Les couleurs sourdes et la transparence de la laque ne se révèlent pas immédiatement, il faut faire le tour des pièces, les voir sous plusieurs lumières pour en saisir toute la profondeur. Comme une sorte d’incitation à la contemplation et la rêverie.
Aviez-vous des inspirations, des références en tête, lors de l’élaboration de cette collection ?
Nous avons naturellement pensé au travail d’apprentissage de Jean Dunand auprès du laqueur Seizo Sugawara et aux collections croisées entre la France et le Japon que Charlotte Perriand a imaginé dès les années 1940. Pour les finitions nous avons aussi étudié des paysages contemporains en peinture à l’huile, notamment pour les craquelés et les superpositions de couleurs.
Pouvez-vous nous parler plus particulièrement de la lampe de cette collection ? Son dessin, sa construction, son inspiration ?
La lampe NEZU est la seule pièce de la collection qui fait dialoguer la laque urushi avec un autre savoir-faire très utilisé au Japon : la mise en forme de l’étain. L’artisan avec lequel nous avons collaboré pour cette pièce est spécialisé dans les arts de la table, donc l’idée de réaliser un grand abat-jour pouvait sembler effrayante. Mais il a été d’accord pour relever le défi et apporter à la pièce le même soin que pour sa vaisselle si délicate. Le dialogue entre le brillant puissant de l’étain et celui tout en nuance de la laque est ce qui nous a intéressé à la genèse de ce modèle. Quand la lampe s’allume, ce rapport s’inverse et la laque révèle sa profondeur.
Où ont été capturées les images de cette nouvelle collection ?
La maison dans laquelle nous avons pris les photos est une villa des années 1930 située dans l’ouest de Kyoto. Elle a été construite dans la tradition du style Sukiya qui prône l’utilisation de matières naturelles, mais elle intègre tout de même des aspects plus modernes. Même si la maison n’est plus habitée, elle a conservé tout son caractère domestique et a notamment un magnifique jardin avec un salon de thé en surplomb. C’était donc le décor parfait pour y installer les pièces. Afin d’exprimer leur origine à la fois japonaise et française, nous nous sommes entourés du photographe Julien T Hamon et de la scénographe Charlotte de La Grandière qui ont su capter l’essence de ce lieu et de notre collection.
Comment cette nouvelle collection s’inscrit-elle dans le parcours de votre agence ?
Notre histoire avec le Japon a débuté il y a bientôt 10 ans et nous a permis d’explorer une dizaine de savoir-faire telle que le papier washi, le cèdre Kitayama, ou la céramique. Mais c’est avec KAMI que nous avons imaginé la collection la plus large entièrement réalisée à Kyoto. L’idée de proposer à la fois des modèles totalement nouveaux et des relectures de modèles existants est aussi une nouveauté. Cette collection est pour nous une nouvelle étape dans nos créations et notamment dans les échanges que nous opérons entre les savoir-faire français et japonais.
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