Dans ce parc parisien, 21 sculptures en bronze sont nées des plaques d’égout du monde entier

Aviez-vous remarqué ces quelques drôles de personnages qui ont élu domicile au parc de Bercy ? Depuis 2001, 21 sculptures monumentales en bronze trônent paisiblement sur la pelouse, entre les marches qui descendent vers la Seine et la passerelle Simone de Beauvoir. Ce sont les “Enfants du Monde”, une œuvre sensible et singulière signée Rachid […]

Jun 19, 2025 - 19:25
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Dans ce parc parisien, 21 sculptures en bronze sont nées des plaques d’égout du monde entier

Aviez-vous remarqué ces quelques drôles de personnages qui ont élu domicile au parc de Bercy ? Depuis 2001, 21 sculptures monumentales en bronze trônent paisiblement sur la pelouse, entre les marches qui descendent vers la Seine et la passerelle Simone de Beauvoir. Ce sont les “Enfants du Monde”, une œuvre sensible et singulière signée Rachid Khimoune. Mais connaissez-vous leur symbolique et l’histoire étonnante de leur fabrication ? On vous raconte tout !

Un tour du monde en sculptures

 

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En les observant bien, on peut facilement deviner ce que représentent ces sculptures expressives au style un peu grossier.  Ici, un garçon frappe sur un tambour, sur lequel on reconnaît la statue du Christ rédempteur de Rio; plus loin, une jeune fille se dresse vêtue d’un kimono traditionnel. En réalité, ces 21 sculptures représentent 21 enfants originaires du monde entier, chacun paré des tenues traditionnelles de leur ville d’origine. Au parc de Bercy, la promenade se transforme en véritable tour du monde. L’enfant au tambour, c’est en fait Antonio le Brésilien, quant à la jeune fille au kimono,  c’est Ayako la Japonaise. À leurs côtés s’épanouit une joyeuse ronde d’enfants de tous les pays : Marie-Carmen l’Espagnole avec sa robe à volants, Issis l’Egyptienne en sarcophage, Enzo l’Italien affublé d’un masque vénitien à nez crochu, ou encore Jim le New-Yorkais, Felipe le Mexicain, Mohammed le Marocain et Jean le Suisse

Rachid Khimoune et ses sculptures à Bercy en 2001
Rachid Khimoune et ses sculptures à Bercy en 2001

 

L’empreinte authentique des villes

 

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Habillés de tenues traditionnelles, certes… mais surtout, portant les marques très concrètes de leurs villes d’origine, comme tatoués. Car ce qui rend ces sculptures encore plus uniques, c’est la méthode de travail de leur créateur. Comme un véritable couturier des rues ou un archéologue urbain, Rachid Khimoune a parcouru le monde pour prélever dans chaque ville ce qu’il appelle “la peau des rues” : moulages de pavés, de plaques d’égouts, de bitumes fracturés… De quoi habiller ses “Enfants du Monde” . Ce n’est pas un hasard si l’artiste les nomme “extra-terrestres” :  ils sont directement sortis de la terre, de ses trottoirs, et incarnent la mémoire des rues. 

“Tous les bitumes se ressemblent, pourtant les plaques d’égout et les grilles d’arbres se distinguent d’une ville à l’autre comme un tatouage sur la peau.” “Ces signes révèlent même l’identité de la ville… J’aurai moulé les mots : Eau – Assainissement – Gaz – Electricité dans toutes les langues du monde ». 

Ces données brutes venues de la ville disent à elles seules beaucoup : à Berlin par exemple, les plaques d’égouts portent encore le signe de l’occupant : l’empreinte du marteau et de la faucille. 

Célébrer l’enfant et la diversité

Sculptures de Rachid Khimoune à Bercy - @rachidkhimoune sur Instagram
Sculptures de Rachid Khimoune à Bercy – @rachidkhimoune sur Instagram

L’œuvre est inaugurée en 2001, et le choix de représenter 21 enfants n’est pas anodin : 21, pour célébrer l’entrée dans le XXIe siècle. Également destinée à  sensibiliser sur la question des droits de l’enfant, cette œuvre originale est une véritable ode à la diversité, à la fraternité et à l’émerveillement enfantin. À l’origine de la démarche artistique d’ailleurs, une image simple : celle de la fille de l’artiste formant une farandole avec ses amis, dans la cour de l’école maternelle. L’idée germe alors dans l’esprit de Rachid Khimoune -dans les années 1980– et l’artiste entame son voyage dans plusieurs grandes villes pour y récolter les matériaux qui donneront naissance à ses “enfants” (qui pèsent tout de même environ 150kg chacun !). D’ailleurs dès le début, les enfants eux-mêmes participent au processus de création : 

“Des enfants ont toujours été associés au processus de fabrication des moulages. Dans la rue, pour les repérages ou la pose de l’élastomère sur les plaques d’égout, ces premiers curieux n’ont jamais hésité à s’impliquer avec moi dans ce processus de fabrication. Sans discours référentiel, ils comprennent spontanément que telle plaque deviendra ventre, que telle autre sera visage et que ces extraits du sol deviendront un personnage Enfant du Monde” 

Avant de s’installer dans les jardins de Bercy, une première série voit le jour en 1885 à Blanc-Mesnil, puis une seconde en 1993 à Neufchâtel. L’œuvre de l’artiste -fidèle à sa démarche universelle-  dépasse les frontières françaises : on trouve une série d”Enfants du Monde” à l’Université américaine d’Abu Dhabi (acquise par le prince héritier en 2009), et une autre sur le site de l’exposition universelle de Shanghai, en bordure du fleuve Huangpu. Dans un geste symbolique particulièrement touchant, presque chaque sculpture existe en double exemplaire, installé dans son pays d’origine. Ainsi, des “Enfants du Monde”  veillent désormais à Monaco, Cuernavaca au Mexique, en Andorre, à Sienne en Italie, à Marrakech au Maroc, à Ouagadougou au Burkina Faso et à Shanghai en Chine, tissant un réseau artistique mondial de fraternité. 

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Sculpture de Rachid Khimoune à Bercy – @rachidkhimoune sur Instagram