Cannes 2025 : Once upon a time in Gaza, le cri du coeur d'un thriller venu de Gaza

Rencontre avec Arab et Tarzan Nasser, réalisateurs du film "Once upon a time in Gaza", présenté au 78e Festival de Cannes.

May 22, 2025 - 08:40
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Cannes 2025 : Once upon a time in Gaza, le cri du coeur d'un thriller venu de Gaza

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Un film pour ne pas oublier une histoire effacée

C'est une rencontre très particulière. Après Gaza, mon amour, présenté en 2020 à la Mostra de Venise, le nouveau long-métrage de Tarzan et Arab Nasser, frères jumeaux, réalisateurs palestiniens originaires de Gaza aujourd'hui installés en France, raconte l'histoire de trois personnages. Un jeune homme qui cherche à se construire une vie, son ami dealer pour qui il trafique, et un policier gazaouite qui cherche à faire carrière. Une comédie policière et dramatique, dont la noirceur colore sa chronique sociale avec un humour salutaire.

Il s'agit d'une rencontre particulière, courte, et pour laquelle les réalisateurs ont décidé de ne s'exprimer qu'en arabe. Pourquoi ? Parce qu'aujourd'hui, alors que la guerre et les actes génocidaires menés à Gaza par Israël depuis les attentats perpétrés par le Hamas le 7 octobre 2023 font plus que jamais rage, c'est une identité, une histoire, une existence collective en grave danger que les réalisateurs veulent défendre.

Once upon a time in Gaza
Once upon a time in Gaza ©Les Films du Tambour

Un film unique en son genre

Once upon a time in Gaza est un film comme les autres. Un thriller policier dont le drame est celui d'un jeune homme, Yahya (Nader Abd Alhay), qui veut simplement pouvoir sortir de Gaza pour aller étudier en Cisjordanie, et survit comme il peut en attendant cette opportunité qui ne vient pas. Pendant cette attente, vaine, les péripéties se multiplient pour Yahya. Mais ce film n'est pas non plus comme n'importe quel autre film. Il y a en effet un forme de miracle, ou alors une forme d'aberration. Comment, alors que le développement de Gaza est bloqué depuis longtemps en tant que société et vit en ce moment une situation qu'aucun mot ne peut circonscrire, ne pas être terriblement ému d'en découvrir une véritable fiction, un geste artistique qui tient à son aspect de divertissement que de témoignage politique ?

Les frères Nasser sont quasiment méconnaissables l'un de l'autre tant ils se ressemblent physiquement : stature imposante, barbes courtes et longs cheveux noirs, yeux verts noircis par le maquillage. Sur une des luxueuses plages cannoises où s'organisent les interviews, dans le cadre privilégié du Festival de Cannes, ils ne souhaitent pas tant parler des détails de leur film que de sa portée politique et de ce qu'ils espèrent que le public en tirera dans la réalité de notre monde. Les propos qui suivent leur appartiennent entièrement, recueillis tels que prononcés.

Quel a été le point de départ de Once upon a time in Gaza, et pourquoi avoir choisi de placer cette histoire en 2007 ?

Arab Nasser : Cela fait dix ans que nous travaillons sur ce scénario. Dès le départ, il s'appelait Once upon a time in Gaza. Le film parle d'une période très sensible, mais tout l'histoire de Gaza est très sensible. Nous avons choisi 2007, parce que c'est à cette époque qu'Israël a annoncé officiellement que Gaza était une entité ennemie, et qu'ensuite ils ont construit le mur dont ils se sont ensuite vantés dans le monde entier. Le personnage principal, Yahya, a grandi dans les années 2000. Dans la réalité, c'est une génération qui a connu la guerre de 2006, celle de 2008, de 2009, de 2012, de 2014, de 2018, de 2021, de 2022 et la deuxième à la fin de 2022, et enfin le génocide qui est actuellement en cours. Que peut-on attendre de cette génération, qui a connu toutes ces guerres et tous ces sièges. Le monde pose des questions sur le 7 octobre 2023, mais personne ne se pose la question de l'avant 7 octobre. L'histoire n'a pas commencé le 7 octobre.

Pourtant, votre film n'est pas un documentaire, et son sujet n'est pas directement politique.

Arab Nasser : Je vous mets au défi de trouver une histoire palestienne qui ne soit pas au millimètre près une histoire politique. Notre cinéma est celui de Gaza, et tout dans Gaza est politique. Vous rentrez dans une cuisine, vous voulez faire un sandwich, il y a de la politique. Comment la population de Gaza vit sa vie quotidienne, c'est politique. La politique détermine strictement tout de la vie à Gaza. Si Israël avait permis à Yahya, à cette génération, de sortir de la bande de Gaza, le scénario aurait été très différent. Il aurait eu un futur, une autre vie devant lui. Mais il est en prison à Gaza, comme les deux millions de ses habitants le sont. C'est une forme de génocide. Il y a deux poids deux mesures. Pourquoi la loi internationale qui autorise Israël à se défendre ne le permet pas à la population de Gaza ?

Votre film est l'histoire de cette tragédie ?

Tarzan Nasser : Ce n'est pas une tragédie. Les agressions, les guerres précédentes sont peut-être des tragédies. Aujourd'hui, c'est un génocide, purement et simplement.

Pourquoi avoir choisi ce titre, Il était une fois..., qui inscrit votre film dans une longue tradition de fiction, aussi bien littéraire que cinématographique ?

Arab Nasser : Nous voulions utiliser cette expression au sens littéral. Il était une fois..., c'est le récit d'une histoire révolue, de quelque chose qui n'existe plus. Vous pouvez parler d'une rue, d'une plage, et tout d'un coup un obus tombe et quatre jeunes gens meurent, disparaissent. Il n'en reste rien, tout est effacé, il n'y a pas de traces. Il était une fois..., c'est donc la disparition de Gaza. Tout a été rasé, du nord au sud. Tous les moyens de vie, toutes les infrastructures, jusqu'aux égouts, ont été détruits. Si par exemple vous allez sur les lieux du tournage de Il était une fois dans l'Ouest, il y a des traces conservées, des détails qui existent encore, le souvenir est vivant. Mais de Gaza, tout a disparu. Notre film montre la vie de la population de Gaza, et aujourd'hui pour les trois quarts de cette population, toute leur vie antérieure a disparu.

Quel est votre sentiment d'être présent à Cannes pour présenter Once upon a time in Gaza ?

Arab Nasser : C'est un rêve pour n'importe quel directeur d'être présent dans un tel festival, avec cette immense audience, tout ce public venu du monde entier pour découvrir du cinéma. Pour nous, en tant que réalisateurs palestiniens, c'est très important parce que nous pouvons montrer nos histoires, et montrer qu'en tant qu'être humains nous méritons une vie meilleure, nous méritons d'avoir des droits. C'est le plus important pour nous, dans ce Festival de Cannes qui est le plus grand des festivals.