Les bons conseils d’un architecte d’intérieur pour composer un appartement coloré
Il manie les couleurs sans restreinte. Architecte d'intérieur et designer parisien, Julien Sebban se trouve à la tête du Studio Uchronia. Une agence avec laquelle il orchestre des projets résidentiels et des chantiers pour l'hospitalité, toujours guidé par une palette chromatique affranchie. Pour MilK Decoration, il partage ses astuces et ses bonnes pratiques pour composer un intérieur coloré.


Construis-tu tes projets autour de la couleur ? À quel moment du projet se déroule le choix de la palette chromatique ?
Toujours. Chez Uchronia, la couleur est bien plus qu’une simple finition – c’est une véritable colonne vertébrale du projet, présente dès les premières esquisses. Elle structure l’espace et définit l’énergie que l’on souhaite transmettre. Par exemple, pour imaginer le restaurant Forest à Marseille, nous avons opté pour un ocre intense, en écho aux sols en terre battue du sud, pour créer une atmosphère brute et solaire. Pour le Café Nuances à Paris, le sol reprend les teintes des couchers de soleil tunisiens. Cette intervention permet de façonner ambiance chaleureuse et intemporelle. Dans un autre projet résidentiel sur l’avenue Montaigne, nous avons travaillé des couleurs inspirées de pierres précieuses, comme la malachite ou l’opale, un clin d’œil au métier de la cliente.
As-tu des couleurs de prédilection ? Pourquoi ?
La teinte orange, sans hésiter. Il s’agit de notre signature. Cette couleur est présente, en petite ou en grande dose, dans presque tous nos projets. J’aime son énergie solaire et audacieuse, sa chaleur, et son pouvoir enveloppant. Elle peut transformer complètement l’ambiance d’un espace, comme un rayon de soleil inattendu.
D’où te vient ce goût pour la couleur ? Qui sont tes mentors stylistiques ?
Je pense qu’il me vient de mes origines méditerranéennes. Chez mes parents, il y avait toujours des touches de couleurs vives – je me souviens encore de la cuisine orange et de ma chambre que je repeignais sans cesse. Côté inspirations, je suis fasciné par Eduardo Paolozzi, Gaetano Pesce, Wassily Kandinsky, et Rothko. Ces artistes utilisent la couleur comme un langage émotionnel et sculptural, capable de provoquer des réactions immédiates et profondes.
Selon toi, est-il possible d’associer toutes les couleurs ?
Absolument ! Tout est une question de dosage, de proportions et de contexte. Parfois, c’est même plus intéressant de mélanger des couleurs a priori improbables pour créer des contrastes surprenants et raconter des histoires plus complexes. Dans un appartement parisien que nous venons de terminer, chaque pièce a sa propre identité chromatique : l’entrée et le séjour sont un dégradé du bleu ciel au rose bubblegum, la chambre est marron glacé avec des touches dorées, inspirée d’une toile de Danielle McKinney, et la salle de bain est en vert forêt. La cuisine, elle, est jaune, une couleur parfaite pour les pièces du matin, car elle diffuse une lumière douce et optimiste.
Quels sont tes conseils pour penser un appartement coloré sans fausse note ?
Ne jamais avoir peur de la couleur, mais commencer par une base neutre pour laisser respirer l’espace. Ensuite, ajouter des touches de couleurs en jouant avec les textures et les finitions pour créer des nuances subtiles. Ma conseil : les plafonds laqués, de préférence en bleu, pour apporter de la lumière et créer l’illusion d’un ciel sans nuages – parfait pour un appartement parisien où la lumière naturelle est parfois capricieuse.
Quelles sont les associations de couleurs que tu emploies le plus ? Pourquoi ?
J’aime les palettes solaires comme l’orange, le rose et le jaune, des couleurs énergiques et joyeuses. J’adore aussi le contraste rose-vert, un duo un peu rétro mais toujours efficace, que j’ai récemment associé à du violet pour la boutique Koibird, créant un univers presque extraterrestre, à la frontière entre la mode et l’art.
Quel est ton rapport aux motifs et aux imprimés ?
J’aime les motifs, mais je les utilise avec parcimonie. Ils apportent une dimension narrative, un peu comme un clin d’œil graphique. Mes références vont de Nathalie Du Pasquier à Eduardo Paolozzi, des artistes qui jouent avec les formes et les textures de manière libre et excentrique. Mais je préfère souvent laisser les textures et les couleurs raconter l’histoire sans être trop littéral.
Tu emploies souvent un dégradé de couleurs pour composer un écrin singulier. Est-ce une de tes signatures ?
Complètement. J’adore l’idée d’une immersion totale, où les couleurs se fondent les unes dans les autres pour créer une atmosphère enveloppante. Travailler un espace en trois dimensions, du plafond au mur jusqu’au sol, permet de créer des environnements sensoriels où les couleurs racontent une histoire fluide et cohérente. C’est une manière de rendre l’espace plus vivant, presque organique.
Es-tu plutôt peinture mate ou brillante ? Dans quels cas vas-tu choisir plutôt l’une que l’autre ?
Très difficile comme question. J’adore les laques brillantes, surtout pour les plafonds, car elles réfléchissent la lumière et créent de belles profondeurs. C’est idéal pour les espaces qui manquent de lumière naturelle. Le mat, en revanche, est parfait pour les pièces plus intimes et feutrées, comme les salles de bains ou les chambres, où l’on cherche à créer une ambiance apaisante. J’aime aussi mélanger les deux pour créer des contrastes subtils et des jeux de textures en trois dimensions, pour un effet plus tactile et sophistiqué.