Cette nouvelle exposition révèle Cléopâtre, une reine mystérieuse aux innombrables légendes
Influente, stratège, séductrice, démente… Cléopâtre (69-30 avant notre ère), la plus célèbre des reines de l’Égypte antique, a nourri depuis toujours bien des fantasmes. Jusqu’au 11 janvier 2026, l’Institut du monde arabe s’intéresse aux multiples légendes entourant cette cheffe d’État, encore bien mystérieuse, dont on ne retient souvent que ses liaisons amoureuses et son suicide […]

Influente, stratège, séductrice, démente… Cléopâtre (69-30 avant notre ère), la plus célèbre des reines de l’Égypte antique, a nourri depuis toujours bien des fantasmes. Jusqu’au 11 janvier 2026, l’Institut du monde arabe s’intéresse aux multiples légendes entourant cette cheffe d’État, encore bien mystérieuse, dont on ne retient souvent que ses liaisons amoureuses et son suicide spectaculaire. À travers des objets, oeuvres et manuscrits anciens, mais aussi des extraits de film, installations et photographies contemporaines, Cléopâtre apparaît dans sa complexité, tantôt comme une tentatrice impitoyable, tantôt comme une icône puissante.
La cheffe d’un royaume menacé
Certes, le nom de Cléopâtre est connu de tous, en grande partie depuis que son image a été largement reprise par la culture populaire. Mais son histoire et son rôle en tant que reine d’Égypte ont davantage basculé dans l’oubli. Née à Alexandrie, ville fondée deux siècles plus tôt par Alexandre le Grand et devenue capitale de l’empire des Ptolémées, Cléopâtre VII Philopator devient la septième et dernière souveraine de cette lignée en 52 avant notre ère.
Alors que ses terres sont devenues un protectorat romain, la reine a dû ruser pour maintenir son autonomie dans un monde en crise gouverné par les hommes. Malgré ses liens politiques et sentimentaux avec Jules César, puis Marc Antoine, cette dernière est finalement vaincue à la bataille d’Actium par Octave et décide de se suicider en se faisant mordre par un serpent venimeux.
Une première salle dévoile un admirable ensemble d’objets, bijoux, manuscrits ou sculptures témoignant de toute la richesse des Ptolémées. Un court-métrage spécialement conçu par Ubisoft (créateur des jeux vidéo Assassin’s Creed Origins et Discovery Tour: Ancient Egypt) nous fait traverser la ville d’Alexandrie et découvrir la splendeur de ses monuments, entre sa célèbre bibliothèque et le temple d’Isis. On regrette toutefois de ne pas en apprendre davantage au sujet de l’influence politique et culturelle de Cléopâtre sur son royaume.
Les fantasmes autour d’une reine
Le parcours chronologique de l’exposition retrace les différentes légendes qui entourent Cléopâtre au fil des siècles. Une série de manuscrits démontre que la personnalité de la reine faisait déjà couler beaucoup d’encre à l’Antiquité : tandis que les Égyptiens célèbrent une cheffe d’État stratège et érudite, les auteurs romains la décrivent comme une femme démente, vicieuse et séductrice.
Un discours misogyne qui se répand en Occident, à travers une littérature obnubilée par son physique : Blaise Pascal, dans ses célèbres Pensées, fait notamment mention de son grand nez (“Si le nez de Cléopâtre eût été plus court, toute la face du monde aurait changé”), trait physique qui la poursuit jusqu’à nos jours, et que l’artiste contemporaine Esmeralda Kosmatopoulos reprend avec une “nasothèque” pour tourner ces remarques en ridicule.
Esmeralda Kosmatopoulos, About 2 inches long, 2020 (production 2025). Marbre. Collection de l’artiste – © Esmeralda Kosmatopoulos
Dès le XIXe siècle, Cléopâtre devient une héroïne romantique, dont le suicide tragique est mis en scène à travers un grand nombre de pièces de théâtre, tableaux, sculptures et même dans le cinéma naissant. Plusieurs toiles de peintres pompiers du XIXe siècle (Jean-André Rixens en tête) idéalisent une fois encore son physique pour en faire une figure sensuelle, à la peau étonnement blanche, dont le sein dénudé est mordu par un serpent.
Une icône populaire 2.0
Si Cléopâtre a longtemps été noircie par les discours de propagande et leurs railleries misogynes (l’exposition présente plusieurs de ses portraits vandalisés ou détournés), l’époque moderne et contemporaine l’a au contraire érigée comme une véritable icône. Femme fatale, puissante et indépendante, elle est célébrée au cinéma dans des robes de couturiers, exposées dans les salles aux côtés d’extraits de films.
Plusieurs artistes contemporaines s’emparent alors de sa figure pour déconstruire les récits patriarcaux qui l’entourent et réparer son image pour mettre en avant son rôle politique et son refus de soumission face à l’Empire romain. Si l’exposition n’échappe pas tout à fait à certains écueils – frôler l’anachronisme en rattachant une figure ancienne au féminisme et à l’anticolonialisme actuels, comme cela se fait souvent de nos jours -, elle met intelligemment en lumière les multiples facettes de cette reine iconique au fil des époques et de leurs idéologies.
Romane Fraysse
Le mystère Cléopâtre
Institut du monde arabe
1 rue des Fossés Saint-Bernard, 75005 Paris
Jusqu’au 11 janvier 2026
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Image à la une : Elisabeth Taylor dans Cleopatra, réalisé par Joseph L. Mankiewicz, 1963. © Everett Collection/Bridgeman Images © 20th Century Fox Film Corporation Everett Collection Bridgeman Images