De Henri à Marguerite, dialogue chez les Matisse au musée d’Art moderne
La figure de Marguerite Matisse, fille et modèle du maître fauve, est parcourue le temps d’une exposition à travers ses nombreux portraits réalisés par Henri et quelques-unes de ses propres créations. Un dialogue familial que le musée d’Art moderne illustre avec plus de 110 peintures, dessins ou sculptures présentés jusqu’au 24 août 2025. Mais loin […]

La figure de Marguerite Matisse, fille et modèle du maître fauve, est parcourue le temps d’une exposition à travers ses nombreux portraits réalisés par Henri et quelques-unes de ses propres créations. Un dialogue familial que le musée d’Art moderne illustre avec plus de 110 peintures, dessins ou sculptures présentés jusqu’au 24 août 2025. Mais loin de convaincre, cette sélection laisse percevoir la faiblesse du sujet et questionne sur les motivations des commissaires.
Explorer un visage

Collection particulière
Au fil des salles d’exposition, le lien entre Henri Matisse et sa fille Marguerite est raconté à travers une sélection de dessins rares, de photographies d’archives et de tableaux. L’aînée devient rapidement le modèle de l’artiste – qui lui consacre plus d’une centaine de portraits -, puis disparaît de la toile pour soutenir la carrière de son père. À travers des oeuvres comme Marguerite lisant ou le très radical Tête blanche et rose, on observe de quelle manière le visage de la jeune femme devient un terrain d’expérimentation pour le peintre fauve, qui mêle couleurs franches et lignes strictes jusqu’à une géométrisation cubiste.
Crédit Christie’s Images/Bridgeman Image
Un angle peu pertinent
Dédier une exposition entière au lien entre Marguerite et Henri Matisse, était-ce un choix pertinent ? Au regard de la faible sélection d’oeuvres exposées dans l’espace d’exposition du musée d’Art moderne, cela est déjà un premier indice sur les limites de ce sujet. On explore les liens familiaux, plusieurs dessins et portraits nous dévoilent comment le peintre s’inspire de sa fille pour ses expérimentations autour de la figure humaine. Mais n’est-ce pas monnaie courante chez les artistes de prendre leurs proches pour modèles ?
Crédit: Centre Pompidou, MNAM-CCI, Dist. GrandPalaisRmn-Philippe Migeat
Une salle tente de donner un éclairage différent à Marguerite Matisse, qui s’est essayée en tant que peintre, puis styliste. Mais le visiteur n’est pas dupe, et le texte du cartel semble lui-même reconnaître son manque de créativité, valorisant davantage son rôle dans le commerce et la visibilité de l’oeuvre de son père. Autre fait étonnant : on apprend de manière expéditive que celle-ci fut résistante sous la Seconde Guerre mondiale, et échappa de peu aux camps sans en savoir davantage, ce qui laisse une zone d’ombre sur un épisode de sa vie non sans importance. Bref, on sort du parcours en s’avouant que, non, ce choix n’était pas pertinent.
Le choix du féminin
De plus en plus d’expositions mettent sur le devant de la scène des artistes femmes, jusque-là éclipsées par l’histoire patriarcale et ses discours sexistes. Ce choix est tout à fait judicieux lorsqu’il s’agit de présenter la peinture de la fabuleuse Gabriele Münter dans les espaces du musée. En revanche, le parcours “Matisse et Marguerite” semble résulter d’une démarche moins sincère et plus opportuniste : tout d’abord, on s’agace de constater une nouvelle fois que cette exposition – qui semble défendre une approche féministe – nomme la femme par son prénom et l’homme par son patronyme.
Crédit Philadelphia Museum of Art, Bequest of Lisa Norris Elkins
D’autre part, chacun sait que le nom de “Matisse” attirera à coup sûr le public, mais doit-on véritablement faire le tour de la famille de chaque maître de l’art ? Cela ne semble pas nécessaire, et ne valorise pas davantage les femmes qui les entourent.
Romane Fraysse
Matisse et Marguerite
Musée d’Art moderne
11 avenue du Président Wilson, 75116 Paris
Jusqu’au 24 août 2025
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Image à la une : Henri Matisse, Marguerite lisant, 1906 – © Ville de Grenoble-Musée de Grenoble – J.L. Lacroix