New York : rencontre avec le très talentueux créatif Loup Sarion
Ses sculptures sortent des murs et ses bas-reliefs évoquent des paysages domestiques. Il émane des œuvres de Loup Sarion un certain degré de mystère et de sensualité. C’est dans le quartier de East Village à New York, entre son appartement et son atelier situé à un building de distance, que nous avons rencontré l’artiste-sculpteur d’origine française.

L.A. À quand remonte ton intérêt pour l’art ?
L.S. J’ai grandi à la campagne, les premières choses auxquelles j’ai été sensible sont des œuvres de Land Art. Je pense à des lignes de pierres, aux œuvres de Richard Long. Aussi, j’étais fasciné par les albums Tintin, où les objets d’art sont partout, du vol de statuettes aux reproductions de faux…
Quel est ton parcours ?
Je suis né à Toulouse et j’ai grandi à Maubeuge. J’ai passé mon bac à Pondichéry en Inde, puis j’ai étudié aux Beaux-Arts à Paris. Là, j’ai eu la chance de faire un échange pour étudier un an à New York et intégrer The Cooper Union, une école d’art gratuite à East Village. Étonnamment, je commençais à exposer régulièrement lorsque j’étais aux Beaux-Arts et on m’avait conseillé de rester là où les choses émergent, mais il était important à mes yeux de sortir de ma zone de confort en venant vivre à New York. J’ai fait quelques résidences aux Pays-Bas, en Belgique, puis je suis tombé amoureux d’un Américain et de l’Amérique, et je suis resté. Je fais des allers-retours à l’occasion de mes expositions en Europe pour beaucoup, en Italie, en Allemagne, en Espagne…
J’ai découvert ton travail à travers une sculpture de nez, peux-tu me parler de cette pièce ?
Ces nez, qui émergent principalement du mur, c’est un peu comme une bibliothèque de personnages. Je les trouve parfois dans les sculptures grecques du Metropolitan Museum of Art, parfois chez des proches. J’ai commencé par les réaliser en cire d’abeille, ce qui rend leur surface délicate, comme la texture de la peau. L’épiderme, les textures, les patines sont des éléments récurrents dans mes recherches. Récemment, j’ai transposé ce travail dans une matière réfléchissante, dure, solide, qui peut même vivre en extérieur : l’aluminium poli, qui est un peu l’opposé de la cire. Je travaille en étroite collaboration avec le fondeur pour veiller à ce qu’il garde les imperfections.
Quel est ton processus créatif ?
Que ce soit pour les nez, la série des chapeaux ou même les sculptures d’os lumineuses que je crée avec mon amoureux Rafa (Rafael Prieto, ndlr) sous notre label Marrow Project, je pars souvent de dessins agrandis de manière très maladroite. Dans mon atelier, on voit aussi des bas-reliefs réalisés à partir de ceintures trouvées dans la rue. Elles ont d’abord été moulées avant d’être associées à des espaces d’architecture, souvent le sol ou les murs de mon atelier. Elles ressemblent ainsi à des serpents, ou évoquent celles qui se retrouvent au sol quand les amants se dévêtent à la hâte. J’aime quand les œuvres suggèrent des questions qui restent sans réponse. Aussi, l’androgynie est un thème sur lequel j’aime réfléchir. Certaines de mes sculptures, comme les chapeaux, sont concaves et convexes à la fois. Il y a l’extérieur/l’intérieur, la féminité/la masculinité. Mon travail est souvent axé sur la présence de l’érotisme dans mon quotidien, quelque chose de sensuel y est toujours sous-jacent.
Que te permet d’exprimer ta pratique créative ?
J’aime bien l’idée de voir le monde de façon antichronologique. Par exemple, dans l’histoire de l’art, je suis fasciné autant par Marcel Duchamp que par l’art pariétal. Mes bas-reliefs, notamment, évoquent les cavernes, qui m’attirent particulièrement. J’ai été marqué par celles qui se trouvent près de ma maison familiale à Figeac, dans le sud de la France, et avec Rafa, nous allons souvent visiter des grottes dans le Yucatán, au Mexique.
Peux-tu me parler de Marrow Project ?
Pour le moment, Rafa et moi proposons deux typologies de pièces, des lampes et des assises. Les luminaires sont des agrandissements de formes d’os, notre bibliothèque de formes étant assez infinie. Nous développons aussi une série de chaises à partir de celle dont la structure est en métal et le dos en silicone moulé sur le dos de Rafa. D’où le côté anthropomorphique, avec aussi un degré de mystère. Nous sommes attirés également par le travail du verre pour des lampes de table, ce sera la prochaine étape.
Avec quelles galeries travailles-tu ? Quels sont tes projets en début d’année 2025 ?
Pour Marrow Project, nous collaborons avec la galerie Masa à Mexico. Mon travail est aussi représenté par Berthold Pott, à Cologne, depuis plusieurs années, ainsi que par la Galería Mascota à Mexico, grâce à laquelle je serai présent à la foire MACO en février. Nous allons créer un bar d’artistes en Suisse dans le cadre de la foire Art Gstaad 2025. C’est un projet que nous avions déjà réalisé ensemble l’année dernière, en collaboration avec une amie sculptrice, Charlotte vander Borght. En France, je serai en avril à la galerie Komunuma, à Romainville, sur une invitation de The Steidz, au sein d’une exposition collective sur l’onirisme dans l’espace domestique.