Une villa sensible et lumineuse dans le sud de la France
C'est dans le sud de la France qu'Alessandro Moriconi vient de livrer son dernier projet : une villa entièrement repensée dans une expression chaleureuse. Baignée de lumière avec l'ajout de grandes baies vitrées, cette résidence fait la part belle aux teintes et aux textures inspirées par la terre. Une composition singulière où gravitent du mobilier vintage et des pièces confectionnées sur mesure. Retour sur cette intervention séduisante avec son chef d'orchestre.

Alessandro, qui êtes-vous et quel est votre parcours ?
Je suis originaire de Toscane, où j’ai vécu jusqu’à mon départ pour Londres afin d’y poursuivre mes études. Après avoir étudié au Westminster College, j’ai rejoint Paris pour me former à la mode à l’École de la Chambre Syndicale de la Couture Parisienne. J’ai ensuite travaillé pour plusieurs maisons prestigieuses, dont Chloé, Nina Ricci, JW Anderson et Lemaire, avant de devenir assistant directeur créatif pour Vogue Italia. J’ai toujours eu une passion pour le design vintage, mais celle-ci s’est réellement affirmée grâce à une relation de huit ans avec un architecte d’intérieur. En passant du temps à ses côtés, j’ai découvert et appris à apprécier cet univers, jusqu’au moment où, après notre séparation, nous avons commencé à travailler ensemble. Aujourd’hui, nous sommes associés, et c’est ainsi que mon parcours dans le design d’intérieur a pris tout son sens.
Pour qui avez-vous réalisé ce projet ?
Le projet a été conçu pour un homme célibataire dans la trentaine.
Pourriez-vous décrire l’espace et votre intervention ici. Quelle est la superficie ? Avez-vous redistribué les pièces, retiré des cloisons ?
La villa de 200 m2 comprend un salon, une salle à manger, une cuisine, une chambre principale avec salle de bain attenante, ainsi que deux chambres d’amis, chacune dotée de sa propre salle de bain. Durant la conception, le choix fondamental a été de renforcer la connexion entre l’intérieur et l’extérieur en intégrant de grandes baies vitrées, pour permettre à la lumière naturelle d’inonder les espaces tout en encadrant des vues à couper le souffle. Pour assurer une continuité visuelle, nous avons unifié la palette chromatique des sols intérieurs et extérieurs, accentuant ainsi la fluidité entre les espaces. Notre objectif était de créer une maison qui dégage une sensation de chaleur, obtenue grâce à une sélection soignée de matériaux et de tonalités. La combinaison de teintes et de textures terreuses — sols en terrazzo bordeaux et vert, arcs en travertin gris — confère au projet une personnalité résolument contemporaine. Nous avons reconfiguré le plan général de la villa, en introduisant stratégiquement de nouvelles ouvertures pour créer de nouveaux points focaux. Par exemple, une fenêtre récemment ajoutée dans la salle à manger offre désormais une vue spectaculaire sur la mer.
Combien de temps ont duré les travaux ?
Les travaux ont duré sept mois
Avez-vous rencontré des difficultés particulières lors de ce projet ?
Comme dans tout projet, il y a eu quelques imprévus et la coordination de plusieurs fournisseurs à gérer, ce qui fait naturellement partie du processus. Cela dit, nous n’avons rencontré aucune difficulté majeure ayant eu un réel impact sur le calendrier du projet. L’ensemble s’est déroulé de manière fluide.
Comment procédez-vous pour concevoir un projet. Quel était votre point de départ et vos envies ?
Mon processus créatif commence toujours par une rencontre, un lieu, ou les deux à la fois. Dès le début, j’ai besoin d’analyser l’ensemble des éléments et de commencer à chercher des images de référence. À partir de là, je me raconte ma dream story, une sorte de narration imaginaire qui me permet de donner une âme au projet. Ensuite, je la partage avec mes équiês, qui parfois me regardent en se demandant ce qui a pu me passer par la tête ! Mais c’est précisément ce moment de partage qui lance la discussion et fait évoluer l’histoire. À partir de cette vision, mon équipe effectue des recherches d’images, de tissus et d’inspirations pour construire un moodboard, que nous présentons au client accompagné des plans du projet. Travailler sur le plan est pour moi essentiel, car la réussite d’un projet repose aussi sur la manière dont il est vécu et sa circulation. Une fois les moodboards et la structure validés, je passe rapidement en 3D pour m’immerger dans l’espace et comprendre son fonctionnement. En parallèle, je collabore avec mon équipe sur la recherche des tissus, du mobilier et des objets, qu’ils soient vintage, faits sur mesure ou issus d’éditions spécifiques. C’est à ce moment-là que nous sommes le plus créatifs, explorant plusieurs pistes pour choisir la meilleure option. Nous nous lançons toujours des défis pour repousser nos limites et apporter une dynamique stimulante au projet. Et bien sûr, nous ne sommes jamais à l’abri d’un superbe meuble vintage qui pourrait totalement révolutionner l’ensemble. Jusqu’au dernier moment, le projet reste en constante évolution. Pour nous, un intérieur n’est vraiment terminé que lorsqu’il a été photographié et immortalisé.
Avez-vous dessiné du mobilier ici ? Lequel ?
Oui, plusieurs pièces de mobilier ont été dessinées sur-mesure pour ce projet, dans une volonté d’harmoniser chaque espace et de créer un dialogue fluide entre architecture et décoration. Par exemple, le canapé du salon a été spécialement conçu dans un esprit néoclassique, pensé pour s’accorder aux volumes et aux éléments vintage du lieu, comme la cheminée d’origine et le plafond à caissons. Le mobilier sur-mesure joue un rôle central dans l’identité du projet. La table en bois laqué bordeaux de la salle à manger est une pièce dessinée spécialement pour ce lieu ; elle dialogue avec le sol en terrazzo. Le bas-relief en céramique que nous avons conçu en collaboration avec Barbara Billoud. Ce travail commun a donné naissance à une œuvre unique qui capture le mouvement des vagues dans des tons bleu clair et beige, apportant une touche artisanale forte à l’espace. Dans la chambre principale, la tête de lit est également une création sur-mesure. Réalisée en bois avec des panneaux en cuir tressés, elle s’inspire directement de la Villa Kérylos. Nous avons aussi réinterprété des pièces existantes : les chaises de la salle à manger, initialement issues de ma collection outdoor, ont été adaptées pour l’intérieur avec un tissu sur-mesure de chez Pierre Frey, renforçant le lien entre intérieur et extérieur, qui est un fil conducteur dans tout le projet. Chaque création a été pensée comme une réponse à la structure existante, avec une attention particulière portée aux matériaux, aux proportions et à l’équilibre visuel, afin de faire de cette villa un espace à la fois cohérent, vivant et profondément personnel.
Le vintage semble détenir une place primordalie dans votre pratique. Est-ce nécessaire pour vous de chiner du mobilier et de l’art ?
Absolument, le vintage occupe une place centrale dans ma pratique. Une part importante du mobilier et des objets que nous sélectionnons est constituée de pièces vintage, soulignant ainsi notre engagement en faveur de la durabilité. Chiner fait pleinement partie du processus créatif — cela permet non seulement de donner une seconde vie à des objets chargés d’histoire, mais aussi d’apporter une authenticité et une singularité aux espaces que nous concevons. Ce choix nous pousse à contrebalancer les éléments historiques par des matériaux architecturaux lisses et brillants, afin de créer un équilibre subtil entre passé et présent, entre sophistication et convivialité. Grâce à une planification spatiale minutieuse et une curation rigoureuse, chaque projet devient un lieu vivant où se rencontrent architecture, design et art, dans une harmonie pleinement assumée.
Quelles sont vos adresses pour chiner ?
Pour trouver les pièces vintage de ce projet, j’ai puisé dans plusieurs sources que j’affectionne particulièrement. Certains éléments, comme les miroirs de la salle à manger ou les lampes de l’entrée, ont été chinés aux Puces de Saint-Ouen, une adresse incontournable. D’autres, comme les fauteuils du salon ou les lampes de Gio Ponti dans la chambre d’amis, ont été acquis lors de ventes aux enchères en Italie, où je trouve souvent des pièces uniques. J’ai également chiné à L’Isle-sur-la-Sorgue, qui regorge de trésors, et complété la sélection avec des pièces issues de galeries telles que Volumina, Maison Cédric ou encore la Galleria Harteria.
Pourquoi avoir dessiné ce drapé dans une chambre, au-dessus du lit ? Quelle était votre volonté ?
La chambre principale est enveloppée de textures douces, avec des rideaux montés au plafond évoquant les tentures d’une cabane, et des murs entièrement recouverts du même tissu. La tapisserie principale agit comme une extension visuelle de la fenêtre donnant sur la mer, tandis que la tête de lit encadrée de bois et ornée de panneaux tressés s’inspire de la Villa Kérylos, située à quelques kilomètres de là. Une moquette épaisse couleur beige renforce la sensation de flotter au-dessus des nuages, face à une vue panoramique sur la mer.
Comment est venue l’idée de ce coffrage sur le plafond dans le salon ?
L’idée de ce détail dans le salon est née du besoin de créer un plafond qui apporte une vraie identité à la pièce. Ne pouvant pas intégrer de moulures classiques françaises, nous nous sommes inspirés de certaines villas à Los Angeles, où les plafonds structurés sont très présents. Ce coffrage nous a permis d’introduire une véritable dimension architecturale au salon, tout en affirmant le caractère du lieu.
Avez-vous ajouté cette cheminée ? Quelle est son histoire ?
Oui, cette cheminée a été l’un des tout premiers éléments que nous avons trouvés pour le projet. Il s’agit d’une pièce en céramique d’origine française. Nous n’avons malheureusement pas beaucoup d’informations précises sur son histoire, mais elle m’a immédiatement attiré par sa couleur et sa matérialité, qui évoquent pour moi les vases gréco-romains. Nous l’avons placée au centre du salon, et sa présence a fortement influencé la disposition du mobilier autour. C’est une pièce tellement forte visuellement qu’elle capte naturellement le regard et structure tout l’espace. Elle est devenue le point de départ de la narration intérieure du salon.
Quelles pierres avez-vous utilisées sur le sol et pourquoi ?
Nous avons choisi un mélange de matériaux minéraux sélectionnés pour créer une continuité visuelle entre l’intérieur et l’extérieur. À l’intérieur, les sols sont en terrazzo dans des tonalités bordeaux et vert, apportant une texture organique et chaleureuse, tout en affirmant un caractère contemporain fort. Ce choix chromatique dialogue avec les éléments architecturaux, comme les arches en travertin gris, qui structurent les espaces avec élégance. Dans la salle de bain principale, nous avons opté pour une esthétique minérale plus affirmée, en utilisant de la pierre française classique : du beige et du noir de Bourgogne. Cette combinaison crée un contraste subtil entre la rudesse naturelle des surfaces et la sophistication d’éléments décoratifs tels que le miroir Art déco et les accessoires en nickel.
Avez-vous commandé des œuvres d’art pour ce projet ?
Oui, pour ce projet nous nous sommes également occupés de la direction artistique et de la sélection des œuvres. Certaines pièces ont été spécifiquement conçues pour le lieu, comme le bas-relief que nous avons dessiné sur-mesure en collaboration avec la céramiste Barbara Billoud. C’est une œuvre centrale du projet, pensée dès les premières phases de conception. La tapisserie du salon, quant à elle, a été trouvée en Italie lors d’un voyage en Sicile, tandis que celle de la chambre est une pièce vintage soigneusement sélectionnée. Pour nous, l’art dans un intérieur doit toujours jouer un rôle de point focal : il ne s’agit pas uniquement de décoration, mais de narration. Les pièces majeures comme le bas-relief ou les tapisseries ont été imaginées très tôt dans le processus de design. D’autres éléments sont venus plus tard, choisis avec sensibilité selon l’évolution du lieu, sans idée préconçue, mais toujours dans une logique de cohérence poétique avec l’ensemble.