Ces monuments désormais emblématiques ont pourtant divisé Paris à leur création

Parmi les bâtiments désormais emblématiques de la capitale, nombreux sont ceux qui ont fait polémique à leur construction. Après tout, les plus grands (la Tour Eiffel) sont passés par là. Retour sur les controverses qui ont secoué Paris et sur l’histoire de ces monuments, que certains n’aiment toujours pas. 1. La basilique du Sacré-Cœur Avec […]

May 24, 2025 - 13:25
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Ces monuments désormais emblématiques ont pourtant divisé Paris à leur création

Parmi les bâtiments désormais emblématiques de la capitale, nombreux sont ceux qui ont fait polémique à leur construction. Après tout, les plus grands (la Tour Eiffel) sont passés par là. Retour sur les controverses qui ont secoué Paris et sur l’histoire de ces monuments, que certains n’aiment toujours pas.

1. La basilique du Sacré-Cœur

Sacré Coeur - depositphotos.com
Sacré Coeur – depositphotos.com

Avec plus de 10 millions de visiteurs chaque année, le Sacré-Coeur est pourtant au cœur d’un débat historique houleux. Érigée à Montmartre deux ans après la Commune de Paris (1871), la basilique est considérée par certains comme un symbole de l’écrasement des Communards par les troupes versaillaises. Cette mémoire conflictuelle continuait d’ailleurs à faire polémique en 2022, au moment de l’inscription du site au titre de “Monument historique”. Décidée en 1873 par un gouvernement dominé par les figures de la répression des communards -comme Adolphe Thiers et Patrice de Mac Mahon-, sa construction est associée à l’ordre moral répressif. En réalité, c’est le choix de son emplacement qui dérange, hautement symbolique puisque c’est à Montmartre qu’ont eu lieu les affrontements les plus sanglants de 1871.

2. La Pyramide du Louvre

Pyramide du Louvre - depositphotos.com
Pyramide du Louvre – depositphotos.com

Occupant désormais la troisième place des œuvres les plus prisées du musée après La Joconde et La Vénus de Milo, la pyramide du Louvre a pourtant suscité un tollé à sa création. Tout commence en 1881, lorsque Jack Lang, alors ministre de la culture, suggère au président François Mitterrand de faire du Louvre le plus grand musée du monde. À l’époque, une aile du bâtiment, côté Rivoli, est occupée par le Ministère des Finances. Pour réaménager le musée et lui redonner sa fonction principale, il s’agit d’abord de créer une entrée unique, par la cour Napoléon. 

“La cour Napoléon était un épouvantable parking. Le musée était handicapé par l’absence d’entrée centrale. L’idée initiale était de faire entrer les visiteurs au milieu, et de couvrir cette entrée”, explique Jack Lang dans un entretien avec l’AFP. 

François Mitterrand fait appel à l’architecte sino-américain Ieoh Ming Pei, qui propose une grande pyramide en verre, inspirée de celle de Khéops et entourée de trois autres plus petites. Le président est séduit. La Commission supérieure des monuments historiques, elle, l’est moins. Dès la présentation publique du projet en 1984, avec la publication de sa maquette dans France Soir, la polémique enfle  : on reproche moins l’agrandissement du musée que l’installation d’une architecture contemporaine dans un décor de style Napoléon III. L’éternelle querelle entre Anciens et Modernes fait rage, largement alimentée par les médias. Jacques Chirac, alors maire de paris, fulmine d’avoir découvert le projet via une fuite, mais se rallie à l’idée, à condition de faire une simulation du projet grandeur nature. En mai 1885, trois câbles sont tendus dans la Cour Napoléon,  et les parisiens viennent par milliers. La pyramide est inaugurée le 30 mars 1989, mais la controverse se poursuit plusieurs années.  Certains surnomment ironiquement le président “Mitteramsès” ou “Tontonkhamon”. Pour Jean-Luc Martinez, président du Louvre, c’est pourtant clair :  “le Louvre est le seul musée au monde dont l’entrée est une oeuvre d’art”. 

3. Les colonnes de Buren

Colonnes de Buren - depositphotos.com
Colonnes de Buren – depositphotos.com

L’histoire des colonnes de Buren, c’est encore une fois celle de la guerre de Jack Lang contre les parkings, doublée d’une résurgence de la querelle entre passéistes et pro-contemporain. Aujourd’hui, elles aussi sont parfaitement incrustées dans le paysage parisien. Pourtant, les colonnes ont failli ne jamais voir le jour, et ont survécu aux insultes les plus virulentes : “massacre”, “saccage du Palais Royal”, “attentat permanent à l’esthétique” (par Le Figaro).  Nous sommes en 1885 : Jack Lang et François Mitterrand souhaitent réaménager la cour d’honneur du Palais Royal, alors transformée en parking par les fonctionnaires de l’Etat. 

« Tout est d’abord né d’une histoire de bagnoles, sourit aujourd’hui Jack Lang. Je menais un combat permanent contre les parkings qui enlaidissaient les monuments nationaux, comme celui qui se trouvait alors à l’emplacement actuel de la Pyramide de Pei au Louvre. Et je voulais relancer la commande publique aux artistes contemporains. »

Parking du palais Royal
Parking du palais Royal

Une commande publique est passée en 1885 à Daniel Buren, qui présente son œuvre “Les Deux plateaux” : une installation de 260 colonnes rayées noires et blanches, de hauteurs variées et qui contrastent drastiquement avec l’architecture classique du Palais Royal. Le contraste déclenche -forcément- une violente polémique. Jacques Chirac, en tant que maire de Paris, dresse un procès-verbal en janvier 1986 pour non-déclaration de travaux sur monument classé. Les pétitions fusent, plus de 200 articles sortent dans la presse, des graffitis couvrent les colonnes sur le chantier, plusieurs associations font recours… Tout cela, jusqu’à la suspension des travaux en 1886. Buren craint la destruction des colonnes avant même leur inauguration, mais le chantier reprend sous le mandat du prochain ministre de la Culture François Léotard.

4. L’Opéra Bastille

Opéra Bastille - depositphotos.com
Opéra Bastille – depositphotos.com

L’ histoire de l’Opéra Bastille est assez triste :  le bâtiment est mal-aimé par son propre commanditaire, François Mitterrand. Lors d’une série d’entretiens enregistrés entre 1985 et 1986, il confie à Marguerite Duras  “L’opéra Bastille, je n’aime pas” . Voulant redynamiser la scène lyrique française et compenser le Palais Garnier jugé trop étroit, le président lance un concours en février 1883. L’objectif : inaugurer un opéra “moderne et populaire“, l’opposé de l’opéra Garnier.  Carlos Ott, architecte urugayo-canadien remporte le concours : mais c’est un choix par défaut pour le président forcé de respecter la décision du jury.

« C’est un concours international, donc il y a des règles et on m’a soumis les six derniers projets. Aucun n’était bien. C’est le plus grand concours qu’il y ait eu au monde, 750 projets, et parmi les six derniers, moi j’ai choisi celui-là car il me paraissait le plus convenable… » François Mitterrand 

Mitterrand n’est pas le seul a ne pas être franchement emballé : le Monde titre “La Bastille sans génie”, le Figaro “Le triomphe de la banalité” et le Nouvel Observateur “L’ère des opéras Hilton”, alors que Jacques Chirac estime le projet trop coûteux. Aujourd’hui encore, nombreux sont les parisiens qui le jugent froid et sans âme.

5. Le Centre Pompidou

Centre Pompidou -depositphotos.com
Centre Pompidou –depositphotos.com

Le Centre Pompidou, lui, attire toujours autant le regard dans le paysage parisien et ne fait peut-être pas encore l’unanimité. À l’époque, le “plateau Beaubourg” n’est qu’un parking en plein air (décidemment). Pour le président Georges Pompidou, il s’agit de rompre avec l’image élitiste des musées traditionnels. 

« Je voudrais passionnément que Paris possède un centre culturel qui soit à la fois un musée et un centre de création où les arts plastiques voisineraient avec la musique, le cinéma, les livres, la recherche audiovisuelle… » Georges Pompidou, 1972

Pour assurer la construction de ce musée révolutionnaire, trois architectes remportent le concours:  Renzo Piano, Richard Rogers, Gianfranco Franchini. Ses énormes tuyaux extérieurs et ses couleurs vives sont en totale rupture avec tout ce qu’on a l’habitude de voir à l’époque, et déclenchent la polémique. Le bâtiment est radicalement moderne et Renzo Piano lui-même résumera l’esprit du lieu en ces mots : “Le contraire d’un monument”.  On surnomme l’édifice “Notre Dame des Tuyaux”, et les journalistes ne le ménagent pas. 

«On dirait une usine, un paquebot, une raffinerie. Une espèce d’écorché monstrueux et multicolore, avec ses tripes à l’air », déclare Jean d’Ormesson. 

À la mort de Pompidou en cours de mandat, en 1974, le bâtiment est menacé de destruction, sauvé in extremis par Chirac et inauguré en 1977. 

6. La bibliothèque François Mitterrand

Bibliothèque Franàois Mitterrand - depositphotos.com
Bibliothèque François Mitterrand – depositphotos.com

Inaugurée en mars 1995, la bibliothèque François Mitterrand étonne : une bibliothèque des plus modernes, composée de 4 tours qui se regardent. Choisi parmi 244 candidats, Dominique Perrault est l’heureux élu qui en assure la construction : il pense la bibliothèque selon une forme originale, censée représenter des livres ouverts. 

«J’ai installé quatre tours d’angle qui se regardent, comme quatre livres ouverts qui balisent ce grand jardin et qui sont un peu comme d’immenses étagères d’où l’on voit en transparence les conteneurs remplis de bouquins », explique Dominique Perrault au Nouvel Observateur

Mais le projet ne convainc pas : on dit que les œuvres ne sont pas protégées du soleil et en 1991, des centaines de chercheurs dénoncent dans une lettre ouverte un projet “spectaculairement mauvais”. Le budget suscite aussi des débats houleux : 1,2 milliards d’euros, soit deux fois plus que pour l’Opéra Bastille. Cerise sur le gâteau, les premières années sont chaotiques : deux inondations, des pannes informatiques, un morceau de plafond de 15kg qui chute en 2000, des agents qui se plaignent de violents maux de tête, suicides…

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Pyramide du Louvre – © depositphotos.com