Paris inaugure son premier mémorial aux déportés homosexuels, une étoile noire
Depuis le samedi 17 mai, une imposante étoile noire en acier se dresse sur le jardin du port de l’Arsenal, à Bastille. Inaugurée à l’occasion de la journée internationale de la lutte contre les LGBTphobies, elle marque un tournant : c’est le tout premier mémorial français dédié aux victimes homosexuelles de la déportation. Une étoile […]

Depuis le samedi 17 mai, une imposante étoile noire en acier se dresse sur le jardin du port de l’Arsenal, à Bastille. Inaugurée à l’occasion de la journée internationale de la lutte contre les LGBTphobies, elle marque un tournant : c’est le tout premier mémorial français dédié aux victimes homosexuelles de la déportation.
Une étoile noire de 3 tonnes apparue au port de l’Arsenal
À présent, si vous vous promenez dans les jardins du port de l’Arsenal, près de la place de la Bastille, vous croiserez sans doute cette grande étoile noire. Impossible de la manquer : trois tonnes d’acier, dont une face entièrement peinte en noir mat et une autre en miroir, qui reflète les alentours. Conçue par l’artiste Jean-Luc Vernal et née d’une commande la Ville de Paris, cette œuvre rend hommage aux personnes homosexuelles déportées durant la Seconde Guerre mondiale, ainsi qu’aux victimes de LGBTphobie à travers l’histoire. Si la sculpture est aussi imposante, c’est car elle compte bien rappeler un pan de l’Histoire trop longtemps oublié, puisque pendant des décennies, ces victimes ont été invisibilisées dans les récits officiels. Pour la première fois avec ce mémorial, le drame des Triangles roses est ancré dans l’espace public français, au cœur du 12e arrondissement. Les historiens estiment que pendant la Seconde Guerre mondiale, 5 000 à 15 000 personnes ont été déportées en raison de leur orientation sexuelle à l’échelle européenne, dont entre une soixantaine et 200 pour la France. Ce monument, porté par le collectif Les Oublié.es de la Mémoire depuis près de 20 ans, et largement attendu par les militants des droits LGBT+, marque une étape supplémentaire dans la reconnaissance historique de cette tragédie. «Il y a l’obligation de lutter contre la négation ou l’atténuation» a rappelé Anne Hidalgo, lors de l’inauguration du 17 mai. Un chemin vers la reconnaissance qui s’est construit pas à pas, alors qu’en politique, il faudra attendre 2001 pour que le Premier ministre Lionel Jospin évoque officiellement ces persécutions, et 2005 pour que Jacques Chirac les mentionne.
Le triangle rose remplacé par un symbole à double face

Mais pourquoi Paris n’a-t-elle pas opté, comme Sydney, Barcelone ou Amsterdam, pour un triangle rose inversé, emblème historique des homosexuels déportés ? La capitale a fait le choix d’une étoile à double face, noire et en miroir, entre passé et présent, pour remplacer le symbole cousu par les nazis sur les uniformes des détenus homosexuels. Car ce monument ne se limite pas à la mémoire des victimes du nazisme, et rend aussi hommage à celles et ceux qui ont subi et subissent encore des violences LGBTophobes.
«La face noire de l’étoile, ce sont les corps qui ont été calcinés, c’est le deuil, c’est aussi une ombre qui nous dit que les choses peuvent arriver de nouveau. Et l’autre face, le miroir, c’est le présent, avec les couleurs du temps qui passe et le ciel de Paris qui change aussi vite que l’opinion publique peut se retourner». a expliqué l’artiste Jean-Luc Vernal.

Cette double symbolique, puissante, est au cœur du projet : “C’est important que ce mémorial ne soit pas un simple hommage symbolique mais un outil de transmission, un acte de reconnaissance publique et un espace de questionnement sur les discriminations passées mais aussi sur celles qui perdurent aujourd’hui”, a souligné le président de l’association Les Oublié.es de la mémoire, Jean-Baptiste Trieu. Un message également porté par Anne Hidalgo lors de l’inauguration, qui a affirmé que ce mémorial avait aussi pour vocation d’alerter, et de rappeler que ces discriminations ne sont malheureusement pas uniquement des faits d’histoire.
«Reconnaître, c’est dire ‘‘cela s’est produit’’ et dire ‘‘nous ne voulons pas que cela se reproduise’’», a déclaré la maire. «[Il] y a aujourd’hui des vents contraires, puissants, extrêmement dangereux qui voudraient nier cette diversité-là.»
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