Pourquoi Cannes a-t-elle été choisie pour accueillir le Festival ?

Saviez-vous que le Festival de Cannes aurait pu se tenir… à Biarritz ? Et ce n’est pas tout : saviez-vous que ce rendez-vous désormais incontournable du cinéma mondial est né d’un acte de résistance face à la montée du fascisme en Europe ? À l’occasion de sa 78e édition, retour sur les origines du festival […]

May 20, 2025 - 04:25
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Pourquoi Cannes a-t-elle été choisie pour accueillir le Festival ?

Saviez-vous que le Festival de Cannes aurait pu se tenir… à Biarritz ? Et ce n’est pas tout : saviez-vous que ce rendez-vous désormais incontournable du cinéma mondial est né d’un acte de résistance face à la montée du fascisme en Europe ? À l’occasion de sa 78e édition, retour sur les origines du festival et sur les raisons qui ont fait de Cannes la capitale du septième art.

Un festival né en réaction à la montée du fascisme

Avant de devenir progressivement l’un des événements culturels les plus attendus et médiatisés au monde, le Festival de Cannes s’est d’abord construit comme une contestation face à l’instrumentalisation du cinéma par les régimes totalitaires, et comme une réponse directe à la mainmise du fascisme sur la Mostra de Venise.

Note au conseil d'administration, Festival international du Cinéma
Note au conseil d’administration, Festival international du Cinéma

Pour en comprendre les origines, il faut remonter en juillet 1938. À l’époque, la Mostra de Venise est la première compétition internationale dédiée au septième art, et depuis sa création en 1932, elle réunit les plus grands pays producteurs de cinéma. Mais sa sixième édition, en 1938, provoque un choc : lors de la remise des prix, la propagande nazi et fasciste l’emporte. Sous les machinations d’Hitler et de Mussolini, le documentaire de propagande nazi Les Dieux du stade de Leni Riefenstahl et le film italien Luciano Serra, pilote de Goffredo Alessandrini reçoivent la plus haute distinction, la “Coupe Mussolini”. Le scandale est immédiat auprès des pays démocratiques, décidés à ne plus y remettre les pieds. L’idée de créer un festival concurrent -et démocratique-  est celle de Philippe Erlanger, membre français du jury. Il imagine une manifestation internationale implantée en France, qui célèbrerait la création cinématographique dans sa diversité, et surtout, dans un esprit de liberté. Le projet séduit le ministre de l’Éducation nationale et des Beaux-Arts Jean Zay, ainsi que le ministre de l’Intérieur Albert Sarraut. Seulement, le temps presse : il faut être prêt à tenir le festival dès l’année suivante, le 1er septembre. Reste une question de taille : où organiser ce nouvel évènement ? Car il s’agit avant tout de trouver un lieu capable de rivaliser en prestige et en charme avec Venise, ce qui n’est pas forcément chose aisée ! 

Cannes, un choix de dernière minute, devenu capitale du cinéma

Cannes n’est pas tout de suite une évidence. À ses côtés, environ 10 villes étaient en lice pour devenir le prochain grand rendez-vous du cinéma mondial :  Le Touquet, Aix-les-Bains, Deauville, Biarritz, Vichy, ou même Alger. L’important était de concilier art cinématographique et art de vivre -à l’image de Venise. Toutes bénéficiaient d’un certain développement touristique et disposaient donc des installations minimales pour recevoir un tel évènement. Mais seules deux villes se détachent réellement du lot, notamment pour des raisons financières : Biarritz et Cannes. D’un côté, l’élégante station balnéaire de l’Atlantique, prisée par Napoléon III et Eugénie, et de l’autre, une destination touristique en plein essor, au charme déjà international. Un vrai dilemme agite les esprits.

Cannes, La Croisette dans les années 1930
Cannes, La Croisette dans les années 1930

Le 9 mai 1939 Biarritz est officiellement retenue, à la surprise générale. Mais rien n’est encore figé, et les partisans de Cannes -parmi lesquels Jean Zay et le conseiller municipal de Paris Georges Prade– continuent à surenchérir. Seulement trois mois avant le lancement du festival, à coup de subventions plus généreuses, au soutien des propriétaires des grands palaces, et grâce à la mise à disposition de ses salles de réception et équipements touristiques, Cannes convainc. Biarritz ne peut pas suivre, et le 31 mai 1939, l’accord est signé entre le gouvernement et la ville de Cannes : le Festival international du film s’y tiendra. À quelques négociations près, on aurait parlé du Festival de Biarritz. Au-delà de l’aspect financier, la ville séduit pour son ambiance méditerranéenne, ses allures de Californie, et son aura déjà bien installée auprès des touristes en tant que “French Riviera”. Le Majestic, le Carlton, l’Eden-Roc… ses palaces de luxes sont déjà là à l’époque, prêts à offrir un cadre idyllique aux vedettes venues du monde entier. À ses débuts, les projections ont lieu dans une simple salle de casino, loin du Palais des Festivals que l’on connaît aujourd’hui. Il faudra attendre 1949 pour voir s’ériger le premier Palais des Festivals, puis 1982 pour que le bâtiment actuel, conçu par Hubert Bennet et François Druet, dote les célébrations d’un lieu moderne et fonctionnel, capable d’accueillir les futurs grands chefs-d’œuvre du septième art dans des conditions optimales.

Palais des Festivals, Cannes, Adobe Stock
Palais des Festivals, Cannes, Adobe Stock

La guerre ajourne le rêve et Cannes le fait renaître

Revenons en 1939, année prévue pour la toute première édition du Festival de Cannes. L’ambition est claire : créer un évènement véritablement international et universel. On y invite donc toutes les nations productrices de cinéma, y compris l’Italie et l’Allemagne, qui déclinent l’invitation en vue du contexte de crise politique. Tout est prêt, l’affiche officielle est signée du peintre Jean-Gabriel Domergue, et dès le mois d’août la ville s’apprête à accueillir les festivités.

Affiche du Festival de Cannes, 1939
Affiche du Festival de Cannes, 1939

La suite est tristement célèbre : le 1er septembre 1939, jour prévu pour l’ouverture du festival, l’Allemagne envahit la Pologne. Dans l’urgence, il est prévu de reporter les évènements de dix jours, mais le 3 septembre, la guerre est déclarée et la mobilisation générale est lancée. Il faut attendre 1946 pour que, pour la toute première fois, Cannes accueille le monde du cinéma en grande pompe, du 20 septembre au 5 octobre. Philippe Erlanger relance l’idée du Festival dès juillet 1945, mais il se heurte au refus de la municipalité cannoise et de l’Etat français, qui ne veulent plus en assurer les dépenses. Grâce à une souscription publique, les fonds nécessaires sont finalement réunis pour que la première édition voit le jour.

Affiche du Festival de Cannes de 1946, Leblanc
Affiche du Festival de Cannes de 1946, Leblanc

Cette première édition est un triomphe : feux d’artifices, lâchers de colombes, batailles de fleurs, stars venues du monde entier… la Croisette vibre pour la première fois au rythme des flashs et des projections, inaugurant une tradition qui perdure encore près de 80 ans plus tard. Les débuts, pourtant, ne sont pas sans défis : dans les années 1950, le festival doit affirmer sa place face au flot de nouveaux festivals français et européens qui naissent, tout en naviguant dans le contexte tendu de la Guerre froide. Les années cinquante voient aussi la naissance de la palme dMais Cannes parvient à s’imposer et dans les années 1960, la Croisette devient le théâtre d’apparitions mythiques : Grace Kelly, Romy Schneider, Alain Delon, Pablo Picasso, Kirk Douglas, Cary Grant… Aujourd’hui, le festival, avec ses marches et son tapis rouge, est devenu indissociable de l’image de la ville.

Grace Moore chante la Marseillaise au premier festival de Cannes - AFP
Grace Moore chante la Marseillaise au premier festival de Cannes – AFP

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